vendredi 1 janvier 2010

EBENE Aventures africaines, Ryszard Kapuscinski

"L'Européen et l'Africain ont une conception du temps différente, ils le perçoivent autrement, ont un rapport particulier avec lui. Pour les Européens, le temps vit en dehors de l'homme, il existe objectivement, comme s'il était extérieur à lui...L'Européen se sent au service du temps, il dépend de lui, il en est le sujet.Il se déplace dans les lois du temps en dehors desquelles il ne peut exister. Elles lui imposent ses rigueurs, ses exigences et ses normes. Entre l'homme et le temps existe un conflit insoluble qui se termine toujours par la défaite de l'homme : le temps détruit l'homme. Les Africains perçoivent le temps autrement.Pour eux, le temps est une catégorie beaucoup plus lâche, ouverte, élastique, subjective. C'est l'homme qui influe sur la formation du temps, sur son cours et son rythme... L'existence du temps s'exprime entre autres à travers un événement. Or c'est l'homme qui décide si l'événement aura lieu ou non. Le temps est le résultat de notre action, et il disparaît quand non n'entreprenons pas ou abandonnons une action. C'est une matière qui, sous notre influence, peut toujours s'animer, mais qui entre en hibernation et sombre même dans le néant si nous ne lui transmettons pas notre énergie. Le temps est un être passif, et surtout dépendant de l'homme. Pour l'Africain, la question "Quand aura lieu la réunion?" est insensée, car la réponse est connue d'avance : "Quand les gens se seront réunis".Quelque part dans le monde tourne, coule une énergie mystérieuse qui, si elle s'approche de nous et nous emplit, nous donne la force de mettre le temps en mouvement : il se passera alors quelque chose. Mais tant que cela n'arrive pas, il faut attendre. Tout autre comportement est illusoire et utopique."

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